Moment de tendresse

Enfermé dans ses quartiers, le jeune Roi profitait de ce moment d'intimité avec sa promise. Un tel instant se savourait comme l'on savoure le meilleur des vins, bien que le jeune homme n'en consomme que très peu.
Plusieurs jours qu'il n'avait pu la serrer fort contre lui, cette sensation lui avait terriblement manqué. Parcourant son corps frêle comme s'il le découvrait, il posa une main sur la hanche de sa compagne tandis que l'autre parcourait son dos. Avec plaisir il toucha sa peau douce, huma l'odeur de ses cheveux, la rapprochant de lui encore un peu plus.
Il rapprocha ses lèvres de l'oreille de sa douce pour lui murmurer:

"Je t'aime..."

Il déposa ensuite un baiser sur sa tempe, frissonnant au contact de sa peau si bien qu'il resserra son étreinte sur sa hanche. Il la prit à nouveau entre ses bras, la serrant aussi fort que lors de leur première étreinte ce qui lui rappela de doux souvenirs.

*Je t'aime pour l'éternité*

Il ne se sépara de son corps uniquement pour pouvoir admirer ses yeux de braise. Il faillit se perdre en les regardant, il sentit uniquement un frisson parcourant son dos lorsque de son regard il se détourna.
Elle était toujours aussi belle; bien évidemment elle ne changeait pas étant immortelle mais sa beauté l'était tout autant. Sa tenue la mettait en valeur tout en lui laissant son aspect de combattante, mais le jeune Roi aimait la voir ainsi, après tout, c'est ainsi qu'il l'avait toujours vu.
A la fixer ainsi, il eut peur de la gêner, il détourna donc son regard avant de déglutir comme il le put.

"Tu es si belle...comme toujours"

Je souris, et l'embrassai sur la joue qu'il me présentait après avoir détourné le regard. Je ne me sentais pas l'âme de parler. Je voulais juste de rester dans ses bras, j'étais bien.
Doucement, en l'entraînant avec moi, je m'assis sur l'un des nombreux fauteuils, et me lovais tout contre lui, la tête sur son torse, une main sur son ventre. Je restais ainsi, les yeux fermés, à me laisser bercer par sa respiration lente et son corps chaud.
Après quelques instants d'intense bonheur, je rouvrais les yeux. Je commençais à jouer avec un repli de sa tenue, et inévitablement ma main se trouva au contact de sa peau. Je me redressai, et après l'avoir embrassé dans le cou, je lui murmurai à mon tour :

"Moi aussi, je t'aime"

Je l'entourais de mes bras et le serrais contre moi. Sa main sur mon dos me fit sursauter légèrement. Je reposais ma tête sur son torse et caressai son bras. Je m'endormis.

Malgré toutes ses précautions, je me réveillai lorsqu'il se leva.

"Ne t'inquiète pas, j'étais déjà réveillée" dis-je, avant qu'il ne s'excuse.

Visiblement quelqu'un avait frappé à la porte. Je restais sur le fauteuil, l'esprit encore ensommeillé. Akieg alla ouvrir, je le vis discuter avec quelqu'un, puis il claqua la porte, l'air un peu agacé. Je me levais et allais me glisser entre ces bras. Je le regardai. Encore une fois, Akieg détourna le regard en frissonant. Je déplaceai une des ses mèches rouges qui lui entravait le visage et lui caressai la joue.

"Tu ressembles tant à ton père"

A peine avais-je prononcé ses mots, que je le regrettais. Je me mordis les lèvres, en voyant le regard d'Akieg s'assombrir.

"Je ressemble...à mon père, n'est-ce pas?"

Cette phrase, Akieg l'avait entendu des milliers et des milliers de fois, pour son plus grand malheur. Il ne le savait que trop: il ressemblait à son père durant ses jeunes années, il refusait cependant de l'admettre et au lieu de laisser exploser sa rage, il se contentait de garder tout cela en lui, dans le but, une nouvelle, de ne pas lui ressembler.
Sa soeur, pourtant sa jumelle, ne ressemblait que très peu à son père mais elle se comportait de la même façon. Akieg regrettait au fond de lui de porter un nom choisit par son père, un nom ressemblant beaucoup trop à celui de sa défunte Mère.

Et voilà que, dans cet instant d'intimité qu'il avait pu obtenir avec elle, Taki parlait à nouveau de son Maitre.

*Mon père, il n'y en a que pour lui, toujours...*

Il se laissa retomber dans son fauteuil, croisant les jambes et soutenant sa tête de la main droite. Il savait pertinemment ce qui allait se passer à présent, cette situation, il ne l'avait que trop vécu...mais c'était pour lui le seul moyen de passer sa colère, c'était inévitable.

"Mon père...regarde seulement ce que fait mon père de sa vie en ce moment, dis-moi, depuis combien de temps médite-t-il soit-disant au sommet des montagnes?
Cela fait près de deux semaines qu'il ne m'a adressé la parole, il ne me connait pas, je ne le connait pas et pourtant tu persistes à me comparer à lui...que dois-je faire pour me démarquer de mon père?"

J'hésitai à répondre. Pourtant dès qu'il attaquait Zieg, je sentais la rage monter. Mais à quoi bon m'énerver?

*A chaque fois, c'est la même chose, ça finit en cris et on ne se parle plus... Pourquoi l'ai-je comparé à Zieg? C'est sorti tout seul. Je ne peux m'empêcher de voir Zieg. Peut-être... Que je ne l'aime pas pour lui, mais pour le père qu'il a...*

Je faillis pleurer à cette pensée. Mais, me revint en mémoire, notre re-rencontre, longtemps après la mort d'Akiru, lors de son passage à l'âge adulte.

*Non, ça n'a rien à voir. Quand j'ai vu Akieg, je ne savais même pas que c'était le fils de Zieg. Je croyais avoir eu un coup de foudre pour un inconnu. Il avait tellement changé. Je ne voyais pas Zieg à travers lui. *

Cette pensée m'adoucit, j'aurai voulu la partager avec Akieg, mais il bouillonnait sur place. Je le regardai, à ma grande satisfaction, je ne vis pas Zieg à travers lui, juste lui, le dragon que j'aimais, avec qui je voulais vivre.

"Essaye de le comprendre Akieg, il a perdu sa femme, ta mère! C'est une perte horrible pour lui! Je serai dans le même état que lui si je venais à te perdre! Je sais que ce n'est pas facile pour toi, tu es constamment comparé à lui, mais si tu l'acceptais, tu prendrais ces comparaisons comme des compliments et non des offenses! J'ai passé plus de 800ans aux côtés de ton père, je ne désespérerai jamais. Il reviendra, j'en suis sûre.
Et le différence entre lui et toi, c'est que je suis tombée amoureuse de toi, pas de Zieg. "

Je m'assis auprès de lui. J'hésitai à l'enlacer, de peur qu'il ne me rejète...

"Essayer de le comprendre? Et qui essaye de me comprendre moi?! Il n'y en a que pour mon père, dois-je te rappeler qu'il a envoyé ma soeur à la Princesse des dragons de lumière car il refusait de l'éduquer? Dois-je te rappeler que j'ai du faire moi même mon éducation?
Dois-je également te rappeler qu'il n'était pas présent durant mon passage à l'âge adulte? Tu sais qu'il ne perçoit pas même mon amour pour toi! La seule chose qui l'intérèsse, c'est lui et personne d'autre.
J'ai perdu ma mère, mais cela ne m'a pas empêché d'avancer, au contraire, sa disparition m'a rendu plus fort. Zuika elle aussi avance, même si je n'apprécie guère sa manière de le faire."

Akieg s'était levé de son fauteuil et s'était dirigé vers l'ouverture servant de fenêtre à la pièce, de là, il dominait toute la capitale rouge. Il n'avait pas volontairement évité Taki mais était perdu dans ses pensées. En observant le ciel rougeoyant, son esprit se calma un peu, il osa donc regarder de nouveau sa compagne.

"Je désire t'épouser Taki, mais je ne pourrai le faire si mon père emplit encore tes pensées. Demain matin, j'irais annoncer la nouvelle à mon père, nous verrons bien s'il entend l'information. Nous verrons s'il m'entend tout court..."

Il se tourna à nouveau vers l'ouverture lui servant de fenêtre. Il savait pertinemment ce que ressentait Taki pour son père, ainsi, il détestait lui faire de la peine en parlant de lui ainsi...mais il ne pouvait penser autre chose.

"Je fais tout mon possible pour comprendre mon père, si je venais à te perdre, peut-être agirais-je exactement de la même façon...mais au lieu de me noyer dans le chagrin, j'agirai: je combattrai de toutes mes forces, ou bien je mettrai fin à mes jours, mais je ne resterai pas 800 années à ne rien faire Taki.
A se terrer dans l'impassibilité, l'on devient complètement fou..."

Akieg se souvint de la Princesse Lio qui avait perdu l'usage de la parole durant plusieurs années humaines; fort heureusement, elle avait su se relever et continuer le combat, c'était d'ailleurs la seule chose qui pouvait forcer Akieg à l'admirer...

*Certains ont su se relever, pourquoi pas lui?*

"Lio Astria est une dragon très estimable. Ce n'est pas du hasard si Zieg a envoyé Ziuka à elle. Dans l'état où il était, il aurait été incapable de vous éduquez convenablement, vous lui rappeliez trop Akiru.
Depuis sa mort, il s'est déconnecté de la réalité, comment voulais-tu qu'il réalise quoique ce soi? Et toi qui le haïs, tu lui reproches son absence à ton passage à l'âge adulte, mais souhaitais-tu réellement sa présence?

Toi aussi tu as eu du mal à te relever de la mort de ta mère. Tu venais te pelotonner entre mes bras dans le mois qui a suivit sa mort. Je regrette que Zieg mette tant de temps à se relever, mais je le sais, j'en suis sûre, il y arrivera"

Il me tournait le dos, visiblement absorbé par la contemplation de Crom. Si seulement je parvenais à lui faire comprendre, si seulement il avait mieux connu son père avant. Je m'approchais de lui et m'adossais à lui.

"Akieg, il te voit, il t'entend. Il n'agit pas c'est tout. J'ai perdu le contact avec lui, mais j'ai foi en lui.
Il lui manque un lien avec la réalité pour reprendre le dessus, j'aurai souhaité être ce lien. Pouvoir l'aider, mais je ne peux rien faire, je ne peux pas être ce lien, puisque Akiru est morte par ma désobéissance, même si elle m'a soutenue.
C'était ton père ou elle. Elle aussi voulait le protéger. Du coup, je peux juste attendre que ce lien vers la réalité se manifeste et que Zieg redevienne Zieg."

J'étais toujours un peu triste lorsque je parlais de Zieg. Je me tournais et lui embrassait la nuque. Puis je me détachais de lui et me dirigeais vers la sortie.

"Je suppose que tu ne veux pas que nous dormions ensemble cette nuit?"

Il se mit à rire, un rire nerveux

"Je venais me pelotonner contre toi? Mais j'avais 8 ans Taki!"

Cette histoire l'avait énervé mais à présent, il se sentait mieux. Il ôta sa veste, laissant apparaitre des bras que très peu musclés. La chaleur des fonderies lui donnait encore plus chaud que sa veste, mais retirer encore un autre vêtement risquait de passer pour une demande auprès de Taki et cela, il le refusait.
Il leva les yeux vers le sommet des montagnes et se rendit compte que, de là, il pouvait apercevoir son père et étrangement, il ne lui paraissait pas si désespéré que d'habitude, au contraire. Même à cette distance, Akieg pouvait lire la colère sur le visage de son père mais ce ne fut pas ce qui l'étonna le plus: son père portait une tenue très sombre, ses cheveux devenus plus sombres avaient doublés de longueur depuis la dernière fois qu'il l'avait vu. Le détail qui le choqua le plus était l'épée longue que l'ancien Roi portait à la ceinture: jamais il n'avait vu pareille lame.

*Je n'attendrai pas demain.*

Akieg se dirigea alors vers son armoire, se saisit d'une boite, l'ouvrit et en récupéra une épée courte qu'il fixa à son côté, juste au cas où. Il retira ensuite le haut de sa tenue aux couleurs claires pour le remplacer par un veston bleu foncé. Sa décision était prise: il parlerai à son père dès maintenant, il lui avouerai ses sentiments pour sa gardienne...et il l'épouserai, avec ou sans son consentement.
Le jeune Roi fit quelques pas en direction de la porte de ses appartements et, arrivant à la hauteur de Taki, lui dit simplement:

"Pour rien au monde je ne manquerai une nuit avec toi, ma promise."

Puis il ouvrit la porte et partit en direction du sommet